Daniel Jausserant naît le 7 février 1942 à Toulon, dans le Var, une région du Midi où il passera les premières années de sa vie. Son père, Casimir, après s’être séparé de la mère de ses enfants, élève seul Daniel et sa sœur aînée Maryse, Charly le cadet de la fratrie sera mis en nourrice. Puis la fratrie est séparée et ce n’est qu’à l’occasion du mariage de sa sœur qui réunit la famille à Paris, que Daniel Jausserant quitte le sud avec Charly. Ils rejoignent leur mère, Yvonne Guiol, alors antiquaire au marché Paul Bert à Paris puis à Pacy-sur-Eure, ainsi que leur beau-père, Henri Rey, un artiste peintre et sérigraphe reconnu, professeur de dessin dans l’Éducation Nationale - c’est Henri Rey qui, avec l’aide de l’établissement scolaire, créera la première filière et le certificat de réussite pour les sérigraphes professionnels. Yvonne GUIOL se consacre désormais définitivement à la peinture, c’est probablement dans leur atelier que de manière inconsciente Daniel Jausserant se sensibilisera à l’art entre les toiles peintes par sa mère et les gouaches de son beau-père.
À la fin des années 50, toute la famille est installée rue de Vercingétorix, dans le 14e arrondissement de Paris, un quartier vibrant et en pleine effervescence culturelle. Bien que la famille ne vive pas dans l’opulence, elle ne manque à la fois de rien, Henri Rey s’étant attaché par son travail en tant que professeur de dessin à un revenu régulier qu’il n’aurait pu assurer totalement de son seul art n’étant pas d’un naturel à trouver compromis avec ses galeristes. La maison est un lieu de rencontre pour les artistes : peintres, sculpteurs, céramistes, comédiens… comme Aznavour, Mick Micheyl, Georges Coulon, Gilbert Baglione, Jacques Perry et même Pablo Picasso un habitué de l'atelier. Tous défilent et échangent dans cette atmosphère créative et conviviale. C’est dans ce cadre que Daniel Jausserant, un jeune homme au tempérament plutôt rustre, se forge peu à peu une personnalité. L’éloignement de cette famille pendant son enfance a peut-être nourri cette nature sauvage qu’il affiche, et cependant ce n’est pas immédiatement vers l’art qu’il se tournera. Il aime les mécanismes et se lance dans des métiers manuels de l’époque qui sont liés : il répare des vélos, se passionne pour la mécanique automobile, et, aspirant à plus de liberté, retourne dans le Midi et s’installe à Aigues-Mortes, où il travaille à la réparation et l'entretien des house-boats qui naviguent sur le canal du Midi jusqu’à Sète. Cependant, des affaires malheureuses le forcent à rentrer à Paris, où son frère Charly, installé comme indépendant dans le secteur de la menuiserie de stand et d'agencement, lui tend le bras et lui propose de travailler avec lui. Daniel y restera en tant qu’indépendant quelques années, avant de s’établir définitivement à Montreuil, rue Barbès, un lieu qui marquera le véritable début de son aventure artistique.
C’est là, dans son petit atelier de la banlieue parisienne, que Daniel Jausserant trouve son refuge et son expression. À l’abri du monde, tel un ours dans sa caverne, il se lance dans la création d’une œuvre brute, spontanée et personnelle. Son atelier est un espace de transformation, où les objets métalliques prennent vie sous ses mains. Sur son établi, entre les mors de son étau, il dessine, esquisse, imagine, puis frappe le métal. Il découpe, soude, et patine, transforme l’acier en une multitude de formes. Chaque pièce, chaque objet est une exploration des matériaux et des possibilités qui s’offrent à lui. Ses sculptures prennent forme dans la matière même de l’acier, du cuivre, du laiton et de l’inox, créant des œuvres qui semblent à la fois familières et surprenantes.
Les chandeliers de Daniel Jausserant prennent des allures de reliques sanctifiées, ses immenses oiseaux aux allures de totem ou aux ailes déployées vous contemplent stoïquement à la manière de ceux qu’il a probablement observé en Camargue, les fleurs qu’il confectionne et dont le lyrisme évoque probablement ces mêmes fleurs que Daniel a vu auparavant sur les toiles peintes par Yvonne Guiol sa mère. L’assemblage de divers éléments métalliques, comme une mécanique, donne naissance à des objets parfois fonctionnels mais plus souvent poétiques, où chaque détail trouve sa place dans un ensemble harmonieux. Les soudures au laiton, délicates et précises, viennent sublimer ses patines d’acier, créant une alchimie entre la robustesse du métal et la douceur de la forme. Les surfaces, parfois travaillées à l’autogène, révèlent des textures subtiles, presque sensuelles, qui traduisent toute la maîtrise de l'artiste. Dans son travail, il détourne les objets du quotidien, les réinvente, les fusionne pour en faire des œuvres uniques.
Pour Daniel, l'art n’est pas destiné à la galerie ni à la reconnaissance publique. Son œuvre est un territoire intime, un univers clos, qu’il se refuse d’exposer. Il rejette les propositions de galeristes parisiens, préférant garder son art pour lui seul. Ses oiseaux, ses chandeliers, ses fleurs, ses personnages, ses sculptures métalliques, sont avant tout des créations qui répondent à ses besoins intérieurs, des témoignages de son monde personnel. À travers elles, il réinvente un langage qui lui est propre, loin des regards extérieurs. C’est dans ce « silence » créatif, loin de l'agitation des expositions et des modes, que Daniel Jausserant laisse sa trace indélébile, affirmant sa singularité au cœur de l’Art Brut, dans une démarche sensorielle, instinctive et singulière tout comme le firent Claude Viseux, Albert Féraud ou encore Jean Tinguely ses ainés.